La prématurité

La prématurité

Vous êtes dans une situation de menace d’accouchement prématuré ou votre enfant est déjà né, mais trop tôt? Cette situation qui n’arrive pas si rarement est souvent ressentie comme une catastrophe par l’opinion courante et les divers reportages télévisés.

L’aspect éthique a également son importance dans ce sujet, à l’heure où les limites de la médecine sont constamment repoussées et ceci de manière particulièrement spectaculaire en néonatologie sur les derniers vingt ans. Les questions sur la limite de la viabilité sont fréquemment soulevées, avec le challenge de savoir jusqu’où on peut aller, sachant l’incertitude du devenir de certains de ces enfants.

Par définition, la prématurité touche tout enfant né avant la 37ème semaine d’aménorrhée (c’est à dire la 37ème semaine depuis l’absence de règles). Un nouveau-né à terme devrait naître à 41 semaines, mais n’est pas considéré prématuré s’il naît entre 37 et 41 semaines.

Ayant travaillé un certain temps dans un service de néonatologie, il me tenait à cœur de rédiger cet article sur la prématurité. J’espère qu’il vous permettra de mieux comprendre certains aspects de cette situation si délicate.

L’incidence de la prématurité

Selon l’OMS, on estime à 15 millions le nombre de bébés prématurés chaque année, ce qui représente plus d’un bébé sur 10. À l’échelle mondiale, la prématurité est la première cause de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans.

Or nous savons que ce sont surtout les pays à faible revenu qui sont touchés par une mortalité très élevée, faute de ressources techniques. Paradoxalement la prématurité est en hausse dans presque tous les pays du monde. Cela est partiellement expliqué par l’âge maternel de plus en plus avancé.

Les différents stades de la prématurité

Il y a plusieurs stades dans la prématurité, permettant de distinguer des catégories de risques très différentes :

  • A. La prématurité modérée qui va de 32 à 37 semaines d’aménorrhée
  • B. La prématurité sévère entre 28 et 32 semaines d’aménorrhée
  • C. La prématurité extrême entre 24 et 28 semaines d’aménorrhée

En Suisse et en France, la limite de la viabilité est actuellement fixée à 24 semaines et à un poids de plus de 500 grammes.

Les causes de la prématurité

Il y a plusieurs causes possibles à la prématurité. Environ la moitié des naissances prématurées sont spontanées. C’est à dire que la mise en travail (contractions, rupture des eaux) se fait sans raison décelable.

Parfois, il s’agit d’infections du placenta qui provoquent naturellement l’accouchement afin de protéger le fœtus.

Il y a également des situations où l’environnement dans l’utérus devient précaire pour le fœtus, comme dans les situations d’hypertension maternelle ou de pré-éclampsie (hypertension liée à la grossesse où le sang n’arrive plus au placenta). Il est alors décidé de provoquer sa naissance par voie basse ou césarienne car on sait qu’il y a un fort risque de poursuivre la grossesse dans ces conditions.

Parmi les autres causes, nous retrouvons les grossesse multiples, le fait d’avoir déjà accouché prématurément, les chutes ou encore l’influence génétique.

Les conséquences de la prématurité

Chez l’enfant né prématurément, les organes ne sont pas encore prêts à affronter la vie externe. Les conséquences sont étroitement liées avec le l’âge du bébé.

Le risque principal de toute prématurité est lié à l’immaturité des poumons avec des difficultés respiratoires dès la naissance. De grands progrès ont été faits depuis que l’on administre un traitement par corticoïdes aux femmes avant l’accouchement, ce qui permet une accélération de la maturation des poumons.

Prématurité modérée

Dans la prématurité modérée (32 à 36 semaines), le nouveau-né aura surtout des difficultés alimentaires, ne sachant pas se coordonner afin d’avaler correctement. Il aura alors besoin d’être alimenté par une sonde naso-gastrique qui apportera le lait directement dans l’estomac. Peu à peu il apprendra et le nombre de repas qu’il pourra prendre activement augmentera.

Il a aussi une difficulté à contrôler sa température et sera mis dans un lit chauffant. Parfois, il pourra également présenter des difficultés respiratoires, surtout si la maman n’a pas reçu de corticoïdes avant l’accouchement. Il bénéficie alors d’un soutien respiratoire par un masque non invasif (c’est à dire qu’il n’y a pas d’intubation).

Grande prématurité

Dans la grande prématurité (28 à 32 semaines), le nouveau-né a principalement des difficultés respiratoires pour lesquelles il aura besoin d’un soutien respiratoire ainsi que de l’oxygène. Son immaturité fait qu’il contrôle mal sa respiration et qu’il peut faire des apnées pour lesquelles on introduit parfois un traitement de caféine afin de stimuler le centre de la respiration. Il contrôle mal sa température et sera souvent mis en incubateur qui permet de lui apporter de la chaleur et de l’humidité. Ses intestins ne seront pas prêts à recevoir toute l’alimentation et une partie sera donnée par voie intraveineuse au départ.

Prématurité extrême

Dans la prématurité extrême (moins de 28 semaines), le nouveau-né ne saura souvent pas respirer par lui-même et aura besoin d’un soutien respiratoire souvent invasif durant plusieurs semaines. Il arrive qu’on doive lui administrer du surfactant, une molécule qui permet de faciliter les échanges gazeux (donc l’administration d’oxygène aux poumons) et de maintenir les poumons ouverts. Celle-ci est fabriquée naturellement à la fin du 3ème trimestre et manquera donc aux prématurés. Pour l’administrer, il faut intuber l’enfant, bien que de nouvelles techniques se font actuellement sans intubation. Il bénéficiera d’un traitement par caféine afin d’éviter les apnées nombreuses à cet âge.

Le système digestif étant immature, l’alimentation complète sera donnée par voie intraveineuse au départ.

Au vu de la difficulté à contrôler sa température et sa peau étant trop fine pour servir de barrière cutanée, il sera mis en incubateur avec une humidité élevée (l’équivalent d’un climat tropical).

Actuellement les progrès de la médecine permettent une nette amélioration de la prise en charge avec un pronostic bien meilleur comme le décrit cet article saisissant.

Les complications de la prématurité

  • La bronchodysplasie pulmonaire: Elle est la conséquence de l’immaturité des poumons ayant eu besoin d’un soutien respiratoire avec de l’oxygène prolongé. Dans de rares cas sévères, il arrive que l’enfant rentre à domicile avec des lunettes à oxygène. Souvent les enfants sont par la suite plus sensibles aux infections hivernales.
  • L’anémie de la prématurité: Il s’agit d’un manque de globules rouges dans le sang dû à l’immaturité de la moelle osseuse qui doit les produire, à une réserve en fer insuffisante et aux multiples prélèvements sanguins que l’on doit faire à la naissance des prématurés. Le traitement consiste en l’administration d’érythropoïétine (EPO: stimulant de la moelle osseuse), d’acide folique, de fer et parfois de transfusions sanguines.
  • L’entérocolite nécrosante: C’est une inflammation des intestins due à une pullulation bactérienne, rare mais qui peut être fatale. Elle touche surtout les prématurés avec un très faible poids de naissance. Le traitement consiste en l’administration d’antibiotiques et parfois une opération chirurgicale pour retirer les parties de l’intestin touchées.
  • La rétinopathie: C’est une atteinte de la rétine (membrane à l’arrière de l’oeil) qui touche surtout les prématurés à moins de 32 semaines. Elle est due à un développement anormal des vaisseaux dans la rétine jusqu’à provoquer un décollement de celle-ci. La cause principale est l’administration prolongée d’oxygène qui est très toxique en raison de sa contenance en radicaux libres.
  • Lésions cérébrales:
    • L’hémorragie intraventriculaire est due à une fragilité des vaisseaux cérébraux à risque de saigner au moindre changement de pression. Elle est subdivisée en 4 grades selon la gravité. Le pronostic est incertain, sachant qu’il n’y a parfois aucune séquelle psychomotrice, alors que d’autres se retrouvent avec un handicap alors qu’aucune lésion n’avait été décelée sur les imagerie.
    • La leucomalacie périventriculaire, une atteinte de la substance blanche par un mécanisme multifactoriel et complexe. Visibles en imagerie cérébrale standard en période périnatale, bien que très inconstantes, elles restent le facteur de risque le plus prédictif de séquelles.
  • La surdité: Le système auditif étant encore immature, un petit pourcentage de prématurés de moins de 32 semaines auront des problèmes d’audition. Ceux-ci auront en général un test auditif de dépistage plus spécialisé.
  • Infections Le risque d’infection est élevé en raison du système immunitaire non développé, de la peau fine, fragile et perméable et des différentes procédures invasives nécessaires aux soins du prématuré.
  • La jaunisse: Les prématurés sont plus à risque pour la jaunisse en raison de l’immaturité de leur foie. Celle.ci se traitera comme pour les bébés nés à terme par de la photothérapie.

Le saviez-vous ? Durant les 2 premières années de vies, l’âge du bébé est corrigé en fonction du terme auquel il aurait dû naître. Par exemple, un bébé né à 32 semaines alors que le terme est à 40 semaines, est donc né 8 semaines trop tôt. A 4 mois de vie, son âge corrigé sera alors de 2 mois. Ce calcul permet d’ajuster les capacités de développement qui seront surveillées selon son âge corrigé les 2 à 5 premières années de vie.